Présidence des 9èmes Rencontres du Numérique

Je présidais ce matin les 9èmes Rencontres du Numérique à la Maison de la Chimie.

Cette matinée était consacrée à la couverture numérique du territoire, à la blockchain ainsi qu’à la numérisation de l’économie.

Ci-dessous, je vous présente le transcrit de mon discours d’ouverture :

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Mesdames, messieurs,

 

Quel programme ce matin ! On me demande d’introduire les tables rondes qui vont suivre en évoquant les enjeux du numérique, et d’y évoquer entre autre chose, l’IA, les infrastructures, les données, la blockchain, le niveau européen et son engagement dans l’émergence d’un marché unique numérique.

 

Ces sujets, nous les aborderons dans le groupe d’étude sur l’économie numérique de la donnée, de la connaissance et de l’intelligence artificielle que j’ai le plaisir de présider avec ma collège Virginie Duby Muller.

 

Au cœur de tous ces sujets, la donnée est le dénominateur commun. Dans sa qualité, elle est ici personnelle ou sensible, elle alimente objets connectés et algorithmes, dans sa quantité elle devient big data ou contrainte de débit, dans son partage, elle devient désintermédiée, archivée, ou collectée.

 

Depuis le début de mon propos, 350 000 tweets ont été envoyés, 150 millions de mails ont été échangés, et Amazon a enregistré plus de 200.000 dollars de commandes… C’est ce qui se passe en une minute sur le net. Et la tendance n’est pas à la baisse, puisqu’il faudra ajouter rapidement la production des 20 milliards d’objets connectés d’ici 2020.

 

Comment faire pour que ce qui semble aujourd’hui comme étant un mouvement irréversible, profond, et en accélération continue, reste tout de même sous contrôle ?

 

Ce qui doit nous guider, n’est pas seulement le progrès technologique, mais le progrès humain. Ces mots ne sont pas de moi, mais du président Emmanuel Macron, au collège de France. En même temps : soutenir l’innovation, ne pas brider la sérendipité, mais ne retenir, n’encourager que ce qui créera de la valeur ajoutée pour l’être humain. La blockchain serait de nature à sécuriser le partage d’information ? Expérimentons, encourageons. Elle soutiendrait, elle aussi une économie grise ? Encadrons-la. Nul doute que Laure de la Raudière évoquera ce sujet ce matin. L’intelligence artificielle permettrait de faire progresser la recherche contre le cancer ? Expérimentons, encourageons. Elle servirait le profilage et fragiliserait les plus vulnérables ? Encadrons-la. La 5G permettrait de sécuriser nos mobilités et réduire notre empreinte énergétique ? Expérimentons, encourageons. Elle verrait émerger un standard industriel issu d’un géant qui serait le seul à avoir le contrôle de ces infrastructures ? Encadrons-la.

 

La France seule, ne pourra fixer les règles du jeu qu’elle entend jouer dans une économie mondialement numérisée. Mais elle peut montrer le chemin et engager la dynamique européenne et nourrir de son regard empreint d’humanisme les initiatives de ses partenaires. Depuis l’été, et sous l’impulsion du président, la taxation des plateformes, débat ancien s’il en est, a pris un nouveau tournant concrétisé par les annonces de la Commission. L’Europe, encore, et son Règlement Général de la Protection des Données (RGPD) fixe de nouvelles orientations et adopte ainsi des principes, rejoignant ou anticipant les attentes des millions d’utilisateurs, dont le niveau de vigilance à l’égard du traitement de leurs données s’est accru. On le doit incontestablement à une meilleure, bien qu’encore trop imparfaite, information des utilisateurs du net. On le doit aussi du fait d’une actualité assez fournie sur les excès, les infractions de certains aujourd’hui révélées.

 

Dans son rapport remis jeudi, Cédric Villani réaffirme le rôle de l’Etat, le jeu du marché seul, montrant ses limites pour assurer une véritable politique d’indépendance. Parce qu’à bien des égards, dit-il, la France et l’Europe peuvent déjà faire figures de « colonies numériques », il est nécessaire de ne céder à aucune forme de déterminisme, en proposant une réponse coordonnée au niveau Européen. Vous y reviendrez sûrement ce matin.

 

Pas de data sans infrastructure, mobile ou fixe. Et en qualité de député de Lannion, berceau des télécoms, permettez-moi de conclure sur ce sujet, puisqu’une table ronde y est consacrée, en présence entre autres, de Thierry Boisnon.

 

Le plan de route est clair : Bon débit pour tous d’ici 2020 (8Mb), très haut débit pour tous en 2022 (30Mb). Accélérer le déploiement fixe de la fibre en préservant notre modèle de concurrence par la régulation, nous appuyant sur l’Arcep. Avec 3 millions de lignes déployées sur 12 millions attendues pour 2020, on le voit, l’effort est conséquent et il est le fruit de la négociation engagée par le Ministère de la Cohésion des territoires, l’Arcep et les opérateurs. Le modèle de réseau d’initiative publique est préservé pour permettre de tenir l’objectif de 8,8 millions de lignes d’ici fin 2022.

 

S’agissant de la couverture mobile, outre les nouvelles cartes publiées de l’Arcep qui réduisent l’écart entre couverture « ressentie, vécue » et couverture réelle (avec 4 niveaux au lieu de 2), l’association des collectivités dans le processus de décision, localisation des futurs sites d’implantation des stations radio sera de nature à réduire considérablement les zones blanches et grises. Et nous porterons l’effort, grâce au projet de loi ELAN, sur la réduction des délais de déploiement qui sont à ce jour bien éloignés des standards de certains de nos voisins européens. Cela sera utile au déploiement de la 5G, afin d’être prêts pour les futurs usages qui se dessinent.

 

Et demain, je le souhaite, le nouveau jalon de notre plan de déploiement devrait viser la Gigabit society en 2025, c’est-à-dire la fibre pour tous. Julien Denormandie a fait sienne cette proposition issue du rapport que j’ai eu le plaisir de co-écrire avec ma collègue Laure de La Raudière l’été dernier.

 

Sur tous ces sujets, il nous faudra lutter contre les peurs : peur du maillage territorial trop dense qui serait à l’origine de l’hypersensibilité électromagnétique de nos concitoyens (un rapport de l’Anses remis il y a 10 jours conclut l’absence de preuve expérimentale solide permettant d’établir un lien de causalité entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits par les personnes se déclarant EHS), peur de l’IA, des robots tueurs, de la voiture autonome…

 

J’emprunte ma conclusion à Catherine Malabou, philosophe, qui, revenant sur ces travaux et revisitant ses conclusions de 2004 réactualise sa vision et conclut « la peur n’est jamais un moteur intellectuel. Il vaut mieux essayer de comprendre la complexité que d’agiter les peurs ».  C’est la modeste contribution de cette matinée organisée par M&M Conseil. Puissions-nous collectivement nous projeter, sans concessions et en même temps, sans surcharge d’inutiles appréhensions dans le monde de demain.

 

Bonne matinée à toutes et à tous

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