🔎 ​Qu’est-ce que le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité ?

Député, j’ai été désigné pour être le rapporteur général du projet loi dit « Résilience ». ​⬇️ Quelques explications

➡️​ Alors que la directive NIS2 (directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union) est entrée en application depuis le mois d’octobre 2024, la France s’apprête à initier le processus de transposition de cette directive avec le projet de loi dit « Résilience », dont l’examen à l’Assemblée, après le Sénat en début d’année, est prévu pour l’été 2025. Sans date précise…
J’ai l’honneur d’en être le rapporteur général.

Avec un nombre d’entités couvertes qui devrait atteindre 10 à 15 000 entités, entreprises, administrations ou collectivités, rien qu’en France, NIS2 constitue un changement de paradigme pour notre niveau de résilience collective, mais aussi un effort de conformité supplémentaire pour les entreprises.

Il s’agit de penser la cybersécurité à l’échelle européenne, seul niveau pertinent face à menace protéiforme qui ne connait pas de frontière. L’objectif à présent est d’assurer une transposition fluide et efficace de la directive en droit français.

Pour ma part, je serai vigilant à ne verser ni dans la surtransposition, ni d’affaiblir l’ambition collective nécessaire.

La directive NIS2 va permettre une Ă©lĂ©vation de notre niveau global de protection face Ă  une menace cyber en constante augmentation. Avec un nombre d’entitĂ©s concernĂ©es multipliĂ© par 10, l’enjeu est de faire de cette lĂ©gislation une rĂ©ussite sur le plan opĂ©rationnel. Dans ce cadre, notre objectif collectif doit ĂŞtre d’identifier et d’accompagner tous les acteurs, qu’ilss soient des entreprises ou des collectivitĂ©s territoriales. Pour susciter une telle mobilisation, la condition première est d’avoir une vision totalement claire du champ d’application de la directive, ce qui n’est en l’état pas encore totalement le cas.

Certaines collectivités veulent s’en extraire. Certaines entreprises ne sont pas persuadées d’y être assujetties. 
La menace ne choisit pas ses cibles en fonction de leur taille ou de leur statut. 

Pour mĂ©moire, les attaques par rançongiciel ont augmentĂ© de 30 % entre 2022 et 2023. La cybermenace n’Ă©pargne plus aucun secteur de la vie Ă©conomique et sociale : 34 % de ces attaques visaient des TPE/PME, 24 % des collectivitĂ©s territoriales, 10 % des entreprises stratĂ©gique, 10 % des Ă©tablissements de santĂ© et 9 % des Ă©tablissements d’enseignement supĂ©rieur.

Les cybermenaces n’ont pas de frontière, il est dès lors essentiel que les Etats-membres de l’UE harmonisent au maximum leurs lĂ©gislations lors de cette transposition. Nombre d’acteurs du numĂ©rique ont des activitĂ©s dans toute l’Europe : des Ă©carts trop importants entre les lĂ©gislations et les procĂ©dures de chaque Etat-membre complexifieraient inĂ©vitablement la mise en application de ces nouvelles règles et affaiblirait notre rĂ©silience collective. Dans ce contexte, nous serons très vigilants contre toute tentative de surtransposition de la directive.

A l’heure d’un internet mondialisé, il serait ridicule et même dangereux d’avoir 27 règlementations nationales distinctes, au cœur de l’Europe.

Avec des compĂ©tences renforcĂ©es et un tel nombre d’entitĂ©s sous sa supervision, l’ANSSI (l’Agence nationale de la sĂ©curitĂ© des systèmes d’information) devient en quelque sorte le « rĂ©gulateur de la cybersĂ©curitĂ© Â» en France. Je salue la dĂ©marche collaborative que l’ANSSI a initiĂ©e avec les parties prenantes. 

Pour jouer pleinement ce rĂ´le, l’ANSSI devra selon moi : 

  • disposer des moyens humains et budgĂ©taires suffisants, 
  • Ă©tablir un cadre rĂ©glementaire clair en toutes circonstances
  • et  se positionner dans un rĂ´le de rĂ©gulateur et laisser au secteur privĂ© les tâches de remĂ©diation qui peuvent l’être.

La filière des acteurs de la cybersĂ©curitĂ© est dynamique en France. NĂ©anmoins, des interrogations demeurent sur le niveau d’exigence projetĂ© qui pourrait, en l’état, crĂ©er une trop forte demande sur ce sujet qui ne pourrait pas forcĂ©ment ĂŞtre absorbĂ©e par l’offre

Par ailleurs, de nombreuses Entreprises de services du numérique concernées par les futures obligations s’inquiètent du coût de mise en place de mesures de cybersécurité liées à ce niveau d’exigence technique.

La sécurité est chère, mais moins que l’insécurité. Depuis quelques mois, les cyberattaques se multiplient en France. Les attaques informatiques se sont accélérées dès le début de l’année 2024, avec une pluie d’arnaques en ligne ou d’intrusions en tous genres. Une étude menée par Statista révèle que les cyberattaques devraient couter plus de 129 milliards de dollars à la France en 2024.

Parmi les plus grosses fuites de données de l’année, on trouve d’abord le hack de deux prestataires des soins de santé, Viamédis et Amerys, de deux opérateurs majeurs (Free et SFR), de plusieurs enseignes, à savoir Boulanger, Cultura, SFR, Truffaut ou encore Grosbill, et de plusieurs services du gouvernement, dont la Caisse d’Allocations familiales (CAF) et France Travail. Mais aussi des hôpitaux, des conseils départementaux, etc.

Outre la directive NIS2, d’autres textes rĂ©gissent Ă©galement la cybersĂ©curitĂ© en France et en Europe, comme la loi de programmation militaire 2024-2030 ou le futur Cyber Resilience Act, qui devrait avoir une ambition plus mesurĂ©e, suivant les dernières orientations de la Commission europĂ©enne. 

Dans un contexte de multiplication des textes réglementaires dans l’espace numérique, il est indispensable que les pouvoirs publics assurent une bonne articulation entre tous ces dispositifs. Par exemple, chacun de ces textes prévoient une obligation de notification d’incident ou de vulnérabilité applicable à plusieurs acteurs du numérique : il faut veiller à ne pas multiplier les guichets et s’assurer que ces différentes notifications fassent bien l’objet d’une procédure unique. 

Nous devons garantir simplicitĂ© et prĂ©visibilitĂ© pour les entreprises. C’est Ă  cette condition que les diffĂ©rentes lois seront effectivement mises en Ĺ“uvre. Je m’emploie avec le prĂ©sident de la Commission spĂ©ciale, et les rapporteurs thĂ©matiques, Ă  auditionner le plus grand nombre d’acteurs dans les semaines qui viennent. Il s’agit de faire une loi d’adaptation de la règlementation europĂ©enne. Mais cela doit ĂŞtre surtout l’occasion de sensibiliser le plus grand nombre d’acteurs privĂ©s et publics Ă  ces questions de rĂ©silience et de sĂ©curitĂ© collective.